Six choses que Valls doit savoir avant d'aller en Roumanie

Date Published:

Sep 10, 2012

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Un rapport de l’ONU du 29 août 2012 met en garde le gouvernement français concernant les évacuations collectives, les rapatriements forcés et les expulsions des communautés Roms, qui risquent de placer des familles entières dans une situation de “grande vulnérabilité.”

S’étant fait ainsi “tirer les oreilles,” le ministre français de l’Intérieur, Manuel Valls, s’en prend à son tour à la Roumanie. “Je veux comprendre pourquoi des politiques puissantes ne sont pas menées [en Roumanie] pour intégrer ces populations,” a-t-il déclaré à Europe 1, en annonçant qu’il se rendrait sur place à la mi-septembre, accompagné du ministre délégué aux Affaires européennes, Bernard Cazeneuve.

Mais qu’entend donc Monsieur le ministre par de “puissantes politiques d’intégration"? “Puissantes” comment Comme celles qui ont été menées à l’époque des nazis (déportations, expulsions massives et évacuations forcées), des communistes ou bien à l’époque féodale (esclavage)? Ces politiques ne sont plus pratiquées en Roumanie et nous espérons sincèrement qu’elles ne seront plus jamais appliquées ni en Roumanie, ni en France, ni ailleurs.

En revanche, Messieurs les ministres peuvent prendre le modèle roumain des “puissantes politiques d’intégration” pour l’introduire en France! Récapitulons:

1- La politique d’intégration la plus forte et la plus efficace est l’octroi de la citoyenneté, une pratique courante en Roumanie. Toutes les autres “politiques d’intégration” en découlent d’un point de vue législatif.

Les Roms sont des populations nomades, c’est l’une de leurs caractéristiques. Ceux qui se trouvaient sur le territoire de la Roumanie à l’avènement du communisme ont été contraints d’y rester et de restreindre leurs migrations aux frontières du rideau de fer pendant cinquante ans. C’était en effet “une puissante politique d’intégration" par la contrainte, et certains Roms ont perdu leur identité dans cette lutte contre le système communiste. Mais la plupart n’ont jamais renoncé à leurs traditions, et les perpétuent encore aujourd’hui. Les Roms de la Roumanie contemporaine sont citoyens de l’Union européenne, et devraient donc bénéficier de la liberté de circulation et d’établissement sur le territoire de l’UE. C’est loin d’être le cas: les Roms sont “la minorité la plus marginalisée en Europe”, comme le souligne – entre autres – Rita Izsák, expert de l’ONU sur la question des minorités.

La solution est la citoyenneté multiple: roumaine, française, néerlandaise, etc. Ainsi, où qu’ils se trouvent en UE, ces nomades bénéficieraient d’une protection contre la discrimination, qu’elle vienne des autorités ou des populations xénophobes. En somme, la destruction des camps de Roms en France, les expulsions massives et les rapatriements collectifs forcés ne seraient plus qu’un cauchemar dont nous nous réveillerions tous ensemble.

2- En ce qui concerne le marché du travail, la Roumanie ne peut guère se vanter d’élargir la liste de professions auxquelles les Roms peuvent accéder, pour la simple raison qu’il n’y a aucune restriction à cet égard. Si les Roms ont accès à tous les métiers et professions, comment élargir la liste? Malheureusement, la France offre actuellement le plus édifiant exemple d’hypocrisie, en claironnant avoir élargi la liste des métiers que les Roms peuvent exercer. L’existence même d’une liste restrictive nous renvoie au début de l’Holocauste en Roumanie, avec les listes de professions que pouvaient exercer les Juifs.

Et puis comment un individu peut-il occuper un emploi stable et le conserver si sa vie se déroule dans une précarité au-delà de toute imagination, s’il ne sait pas où vont dormir ses enfants à la nuit tombée, si son abri est démoli tous les trois mois par la police française et que sa famille est obligée de déménager chaque semaine d’un hôtel social à un autre?

3- Éviter toute idée de ghetto est une autre politique d’intégration en Roumanie. Dans les villes, dans les villages, les propriétés immobilières des Roms se trouvent aux côtés de celles des Roumains. Par comparaison, l’idée de ces “villages d’intégration” en France paraît navrante, car la ghettoïsation contribue à la marginalisation.

4- En Roumanie, l’assistance médicale des Roms se déroule dans les mêmes hôpitaux et auprès des mêmes médecins de famille que pour les Roumains. Comme tous les citoyens, ils sont inscrits dans le système national d’assurance-maladie.

5- Les enfants des Roms étudient dans les mêmes écoles que les Roumains, mais ils ont aussi des classes d’enseignement dans leur langue maternelle. Il y a des mesures de discrimination positive: des places dans les lycées et facultés leur sont réservées. La France pourrait reprendre cet exemple des cours en langue maternelle pour les enfants roms.

6- La préservation des traditions et des structures traditionnelles est un autre exemple que la France peut prendre sur la Roumanie. Il serait essentiel que le ministre français de l’Intérieur rencontre à Bucarest non seulement des Roumains, mais aussi les représentants des structures traditionnelles des Roms : le roi Cioabă, l’empereur Iulian, les membres du “stabor” [la “cour” de justice des Roms], les chefs des différents clans, etc.

Le problème des Roms n’est plus actuellement seulement un problème roumain, mais un problème européen qui tend à se mondialiser. La Roumanie a appliqué et continue d’appliquer les “puissantes politiques d’intégration” énumérées ci-dessus, mais elle n’a aucune chance de devenir un paradis pour les Roms. Le niveau de vie très bas pousse ces nomades vers des pays plus prospères. Il est tout à fait normal qu’ils préfèrent le meilleur niveau de vie. Et dans l’espace européen, on a pu constater que la nationalité roumaine à elle seule est insuffisante pour protéger de la discrimination ces éternels nomades.

Last updated on 02/04/2014